Le recrutement inclusif c’est quoi?
Le recrutement inclusif signifie un recrutement basé sur les compétences, qui prend en compte les biais et les préjugés des personnes et des organisations, pour mieux rendre accessible ses opportunités d’emploi à toutes et tous.
Ainsi, ce qu’on appelle “recrutement inclusif” devrait juste être “le recrutement“. Cela peut paraitre évident de rendre accessible ses offres à toutes et tous, et mettre les compétences au cœur du processus.
Cependant, nous allons voir que la plupart des processus de recrutement véhiculent des inégalités de traitement des candidatures, ainsi que des pratiques qui reproduisent un entre-soi.
Enfin, un recrutement inclusif, c’est un recrutement inclusif à tous les niveaux de l’entreprise et pour tous les postes !
pourquoi rendre mon recrutement inclusif ?
Pour lutter contre les discriminations
Les discriminations à l’embauche sont encore fréquentes.
Le rapport de l’observatoire des inégalités de 2023 montre par exemple que le fait d’avoir un nom et prénom d’origine maghrébine réduit le taux de rappel par un recruteur suite à une candidature. On observe ici un premier type de discrimination à l’embauche : volontairement ou involontairement, les prénoms et nom d’origine française sont priorisés par les recruteurs.
Pour compléter, un sondage IFOP de 2021, qui a interrogé un échantillon représentatif de plus de 4000 salarié-es, met en évidence la prévalence de l’islamophobie/racisme et du validisme, comme motifs de discrimination. Enfin, 23% des femmes et 19% des hommes déclarent avoir fait l’objet de discrimination dans leur recherche d’emploi. 21% des interrogé-es, au total, sont concerné-es.
Pour lutter contre l’entre-soi
Tellement d’éléments poussent à recruter des personnes qui nous ressemblent !
Le bouche à oreille, le réseau, vont faire que notre offre d’emploi touchera plus massivement des personnes proches de notre milieu social. D’autre part, un biais de recrutement répandu, notamment dans un remplacement du poste, est celui de chercher une personne qui ressemble beaucoup à la personne sortante. Si on est satisfait-e d’elle, on va inconsciemment cherche une personne qui en est la copie. Cela aura un impact sur notre sélection en terme de lieu d’habitation, de couleur de peau, de lieu de formation etc.
Ainsi, les éléments qui poussent à favoriser un entre-soi, même de manière inconsciente, sont :
- Les canaux de diffusion de l’offre (réseau, bouche à oreille)
- Le vocabulaire utilisé dans l’offre (un jargon ou des mots qui ont un poids symbolique, comme des mots virils)
- Chercher à remplacer une personne “idéale”
- Les préjugés
Comment adopter un recrutement inclusif ?
Il est indispensable d’adopter un recrutement inclusif pour diversifier les profils de l’entreprise, se concentrer sur les compétences des individus, et lutter contre les discriminations à l’embauche. Voyons ensemble en 7 étapes, comment rendre son recrutement, vraiment inclusif !
1) Poser un diagnostic
Avant de mettre en place des choses, il faut savoir de où on part. Vous retrouverez ici des indicateurs principaux à utiliser pour faire un premier état des lieux, notamment sur le sujet du sexisme à l’embauche.
Ce diagnostic va permettre de recenser les outils de recrutement, les process et à quel point ils sont respectés ou non. Il va également permettre de mesurer le pourcentage de minorités de genre, de personnes racisées, de personnes handicapées etc. parmi les candidatures déposées, puis parmi les personnes rappelées, puis parmi les personnes embauchées.
Si la proportion de minorités est déjà faible au stade de la candidature, il sera intéressant de questionner les canaux utilisés pour la diffuser. Si elle n’est pas si faible mais baisse considérablement à une ou plusieurs étapes du recrutement, vous aurez identifié le moment où le recrutement perd potentiellement en inclusivité !
2) Analyser ses outils de recrutement
Qui recrute? En binôme ? Est ce que l’IA est utilisée pour trier les CV?
Voici un jeu pédagogique pour comprendre les biais de recrutement générés et amplifiés par l’IA : Survival of the Best Fit
Y a t-il des critères de recrutement généralisés dans l’entreprise, de type “pas de personne issues de la fac mais provenant d’écoles”? Y a t’il des grilles d’entretien objectives qui permettent de laisser une trace sur les raison de l’embauche ou du refus?
Quelle place occupe “le feeling” du recruteur? A quel point il ou elle va s’appuyer sur une mauvaise expérience passée pour refuser un-e candidat-e?
Il est important de se poser toutes ces questions pour ensuite s’appuyer sur la refonte de ces outils, ou la création de nouveaux, ou parfois simplement s’atteler à vraiment suivre les process existants.
3) Identifier ses croyances en matière de recrutement
Il existe trois type de croyances qui empêchent la pratique d’un recrutement inclusif :
– Généraliser une expérience passée (bonne ou mauvaise)
Vous avez un jour recruté une femme à un poste managérial et cela s’est mal passé. Résultat, plus jamais de femmes manager, vous avez tenté et vous ne voulez pas recommencer l’expérience !
C’est une grave erreur qui repose sur une essentialisation. Puisqu’un stéréotype dit que les femmes seraient moins performante à des postes de manager, car moins capable de gérer leurs émotions, et trop prises par leur vie familiale, vous avez immédiatement lié l’échec de ce recrutement, au genre de la personne.
Pourtant, il existe certainement des raisons à cet échec, qui n’ont aucun rapport avec le genre de la personne, mais avec ses compétences, avec l’environnement de travail, la façon dont s’est passé l’onboarding, etc.. Ici, le processus d’essentialisation fait que l’on réduit la personne à son genre, en isolant toutes les autres composantes de son identité, et de la situation.
Déjà, cela laisse supposer que les raisons de son départ on mal été analysées et traitées. Deuxièmement, cela impacte négativement l’inclusivité des prochains processus de recrutement. Cette “mauvaise expérience” va amener à rejeter les profils similaire à cette personne, pour ne pas reproduire “l’erreur” de recruter une femme !
– Les préjugés issus de stéréotypes
Les stéréotypes sont des images réductrices, que l’on associe à un groupe de personnes soi-disant “homogène”. Ces images réductrices nous sont transmises depuis tout petit et aident notre cerveau à traiter l’information rapidement, en mettant les personnes dans des cases. On ne peut pas se débarrasser de ces stéréotypes, mais on peut faire en sorte de les reconnaitre, et surtout : de ne pas les laisser influencer nos pensées et nos comportements.
En effet, lorsqu’un stéréotype influence nos pensées ou nos comportements, c’est qu’il est devenu un préjugé. C’est ici que les problèmes commencent. Préjuger signifie “juger avant de“. Avant de connaître, avant d’écouter. C’est le processus par lequel on se fait un avis ou on tire des conclusions sur une personne, avant d’avoir des éléments pour le faire, et surtout, à partir de stéréotypes.
Quelques exemples de stéréotypes qui ont la vie dure au travail :
Les femmes ne sont pas disponibles pour des réunions en soirée car elles ont des enfants et en ont la charge
Les antillais-es sont lent-es/ en retard
Les cheveux crépus, portés en afro, en locks, se sont pas professionnels et montrent un désintérêt pour le travail
Les habitant-es de quartier populaire sont lié-es à la délinquance
Il est important de les identifier, pour ne pas les laisser nous impacter !
– La nostalgie d’un-e collaborateur-ice précédent-e
Quand on cherche à remplacer une personnes qui quitte l’entreprise, on ne peut s’empêcher d’avoir cette dernière en tête. Le problème, c’est que même s’il est évident de chercher une personne avec les compétences requises du poste, il est dangereux de chercher un “profil”.
Cette nostalgie attachée à la figure du-de la collaborateurice précédent-e risque de mettre en danger le recrutement inclusif. En effet, on risque de délaisser la question des compétences pour cristalliser le choix de recrutement autour d’une personnalité, du lieu où les études supérieures ont été effectuées, voir même autour des pratiques extra-professionnelles, si elles font écho à des habitudes de la personne sur le départ.
Pour lutter contre cela, il est nécessaire de liste les critères de compétence attendus, en amont de l’ouverture du recrutement. De plus, il sera important de question ses affinités ou au contraire les éléments qui nous repoussent chez les candidat-es, à la lumière de ce risque “nostalgique”.
4) Reconnaître les habitudes de recrutement non-inclusives
Voici une liste non-exhaustive des pratiques qui entravent un recrutement inclusif :
- La fiche de poste
Le langage utilisé n’est pas inclusif : si je suis une minorité de genre, par exemple, je vois que cette fiche de poste ne s’adresse pas à moi.
Il n’y a pas de réflexion menée en amont sur les compétences requises : elles sont donc très stéréotypées (ex: champs lexical de la virilité). - La sélection des candidat-es
Le recrutement est sous-traité à une structure qui n’est pas engagée contre les oppressions
Les recrutements sont systématiquement menés en urgence
Les recrutement sont fait via IA et reproduisent des biais, ainsi que des recrutements “dans la norme“ - Diffusion de l’annonce
On observe un manque de diversité parmi les candidat·es
Il n’y a pas d’annonce et le recrutement se faire uniquement sur le réseau
L’offre d’emploi n’est diffusée que dans des réseaux bien identifiés ou auprès de certaines écoles - Entretien
Des biais influencent les compétences associées aux individus, dans l’écoute du parcours du/de la candidat-e
sur l’identité, sur l’apparence/tenue.
Des biais influencent la sélection, sur le parcours, sur la manière de s’exprimer.
L’identité de genre de l’individu-e n’est pas prise en compte
L’entretien ne se base pas sur une grille d’entretien objective
Une seule personne mène l’entretien, tire ses propres conclusions et ne prend aucun avis secondaire
Des remarques sexistes/ lgbt+phobes, racistes etc. ont lieu en entretien
Un salaire inférieur à celui prévu est proposé, en se basant sur l’identité de la personne
La personne en charge du recrutement/entretien n’est pas formée.
Le recrutement se fait “au feeling” - Onboarding
Pas de briefing sur la culture inclusive et de tous les dispositifs existants
Pas de formation à l’accueil des minorités de genre/lutte contre les oppressions
Pas de prise en compte de l’identité de genre de la personne accueillie
Discriminations indirectes (emploi du temps qui exclue les perspnnes à temps partiel de certains temps forts par exemple)
Ne pas proposer certains avantages en nature sur la base de représentations qu’on a sur les personnes (genre, lieu d’habitation etc)
5) Rédiger un plan d’action pour un recrutement inclusif
Maintenant que vous avec diagnostiqué le niveau de recrutement inclusif que propose votre structure. Maintenant que vous avez en tête les biais et les pièges dans lesquels ne pas tomber, il est temps de rédiger votre plan d’action.
Pour ce faire il faut dans un premier temps vous fixer des objectifs, réfléchir aux moyens pour les atteindre et aux indicateurs pour mesurer leur atteinte.
Il est nécessaire que ce plan d’action se fasse sur le long terme, que des personnes soient responsables de son pilotage. Il faut intégrer la formation des équipes dans ce plan d’action, et s’assurer que les moyens sont à la hauteur des ambitions. Par moyens on entend ici, du temps et de l’argent. Cela peut vouloir dire avoir une personne dédiée à ce projet, ou alors envoyer les RH en formation. Ou encore libérer du temps de travail à une ou plusieurs personnes pour qu’elles soient dédiées à ce projet
6) Se former au recrutement inclusif
Ainsi, dans l’objectif de pratiquer un recrutement inclusif, la formation a une place importante. Tout d’abord parce qu’on ne devient malheureusement pas inclusif en un claquement de doigts ! En effet, on a vu précédemment que les biais, les stéréotypes, les préjugés et même l’expérience ont une place de choix dans nos processus de recrutement. La formation est donc un outil indispensable pour déconstruire tout ces éléments, les identifier, les dépasser et pratiquer un recrutement inclusif pour de vrai !
7) Piloter son plan d’action et analyser ses pratiques !
Maintenant que vous avez un plan d’action, il est nécessaire de l’appliquer, mais aussi de prendre des temps de bilan et de retours d’expérience.
Piloter un plan d’action pour un recrutement inclusif va notamment comporter les étapes suivantes :
- Former ses équipes
- Penser en amont son besoin de recrutement. De façon “compétence-centrée” en non pas en ayant un profil en tête.
- Diversifier ses canaux de diffusion des offres d’emploi.
- Suivre les indicateurs qui permettent de voir si on touche de plus en plus de minorités. Ce, à chacune des étapes du recrutement.
- Faire des temps de bilan, qui permettront potentiellement de mettre à jour le plan d’action au plus prêt de la réalité.
- Faire participer les équipes, notamment à travers des sondages, des temps de discussion.
Voilà, vous avez les grandes lignes pour passer à un vrai processus de recrutement inclusif.
11 situations de VSS au travail et comment réagir
(c’est gratuit et consultable en ligne)