Le mouvement #Metoo a mis sur le devant la scène publique l’omniprésence des violences sexistes et sexuelles dans la société. Ce faisant, de nombreuses voix se sont exprimées pour encourager les victimes à porter plainte auprès des autorités. Cette injonction, qui a été vivement critiquée par d’autres militant·es, a mis en lumière une rupture franche au sein des mouvements féministes, entre féminisme carcéral et féminisme anticarcéral, sur la question de la prison et du système judiciaro-policier. Dans cet article, on fait le point sur ces dissensions pour que tu y vois parfaitement clair.
Féminisme carcéral c’est quoi ?
Le féminisme carcéral sert à qualifier les militant·es et organisations féministes qui défendent le recours à la prison et au modèle judiciaire actuel. Le terme a été introduit par Elizabeth Bernstein en 2007 dans son article The Sexual Politics of the “New Abolitionism”. Pour les personnes qui prônent cette perspective, il est nécessaire de sanctionner les coupables de violences sexistes et sexuelles en recourant au système juridique actuel. Il faut même militer pour la pénalisation de certaines pratiques, d’actes de violences ou pour l’augmentation des peines en lien avec des violences sexistes et sexuelles.
Ce sont notamment les féministes que nous pouvons qualifier de carcéralistes qui se sont réjoui·es de la création du délit d’outrage sexiste, qui militent pour l’entrée du terme “féminicide” dans le code pénal ou qui ont défendu la loi de 2016 qui pénalise les clients de prostitution.
Les constats du féminisme carcéral
Le féminisme carcéraliste repose sur la notion de responsabilité individuelle. La logique veut que les individus sont entièrement responsables de leurs tort et qu’à ce titre, iels doivent être sanctionné·es pour leurs méfaits à auteur de la souffrance infligée.
Pour iels, s’il peut y avoir des limites à ce système juridique, les problèmes les plus importants de ce système sont les suivants :
- Les peines ne sont pas assez lourde pour reconnaitre pleinement le statut de victime des auteurs.
- Il n’y a pas de mise en place d’enquêtes plus poussées pour identifier des circonstances aggravantes aux violences sexuelles comme la récidive par exemple.
- Les difficultés que peuvent avoir certaines victimes à porter plainte.
De plus pour les féministes carcéralistes, l’abolition de certaines pratiques qu’iels considèrent comme néfastes pour les minorités de genre, sont des solutions pour y mettre fin. Ainsi, le plus souvent un·e féministe carcéral, se prononcera en faveur de l’abolition de la prostitution ou de la pornographie.
Les organisations du féminisme carcéral
Les organisations et militantes qui appartiennent à la galaxie du féminisme carcéral ne sont pas homogènes. La plupart sont proches de la gauche social-démocrate comme Osez le féminisme par exemple. D’autres se situent plus à droite de l’échiquier politique avec des personnalités comme Marlène Schiappa qui a été ministre d’un gouvernement En Marche présidé par Emmanuel Macron. Enfin, certain·es militant·es et organisations carcéralistes peuvent même être proche de l’extrême droite comme le collectif Némésis. On remarquera que généralement, plus les organisations se situent à droite de l’échiquier politique, plus elles mettent au cœur de leurs revendications la réponse carcérale.
Parmi les organisations qui prônent une perspective carcéraliste, on peut parler du collectif féministe contre le viol, qui a une position très ferme sur le sujet. La présidente de l’association explique même au micro de Slate que refuser une réponse carcérale face aux violences sexistes et sexuelles revient à “minimiser les viols”.
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Féminisme anticarcéral : c’est quoi ?
Le féminisme anticarcéral est un terme qui est employée pour faire référence aux militant·es et organisations qui critiquent le modèle judiciaro-policier et souhaite une transformation totale de celui-ci. Pour elleux, les réponses punitives ne résolvent pas l’enjeu des violences sexistes et sexuelles. Pire, elles peuvent même l’aggraver. De plus, la prison est souvent vu comme une forme de torture qu’il est tout aussi importante d’éviter que les violences sexistes et sexuelles en elle-même.
Les constats du féminisme anticarcéral
Pour les féministes anticarcérales, les féministes carcérales ne prennent pas en compte les causes structurelles des violences sexistes et sexuelles et individualisent trop ces dernières. Pour elleux, le féminisme carcéral, en s’attardant sur des sanctions pour des coupables, s’attaque aux symptômes plus qu’aux causes du problème. En effet, pour les féministes anticarcérales, la prison, la pénalisation et les abolitions ne permettent pas de prévenir les violences sexistes et sexuelles ou les phénomènes que ces méthodes prétendent combattre.
Pour elleux, il faut réfléchir les systèmes d’oppressions en les articulant. On ne peut pas lutter contre le sexisme en alimentant un système policier et judiciaire qui participe activement au racisme et au classisme avec une large surreprésentation des sans-abris et des immigré·es parmi les personnes en prison. Ces courants se sont d’ailleurs développé avec la participation active de militantes afro-féministes qui ont été témoin ou ont elles-même eu affaire aux abus du modèle judiciaire.
La plupart des militant·es du féminisme anticarcéral prônent un modèle de justice réparatrice et transformatrice. L’objectif est multiple, d’une part d’encourager le dialogue entre la victime et l’accusée pour que chacun·e puisse se comprendre. D’autre part, permettre la reconnaissance du statut de victime et la réparation par le coupable de cette victime en fonction de modalités concertées et cohérentes avec la situation. Et enfin, questionner la société et les organisations dans lesquelles se sont inscrites ces violences pour comprendre les causes profondes et agir directement dessus.
Les organisations du féminisme anticarcéral
Des organisations et militant·es féministes anticarcéralistes évoluent dans différents courants politiques. On peut en retrouver au sein de la gauche social-démocrate, avec des représentant·es comme le streamer Cass Andre, militant à la France Insoumise. Mais la plupart se situe plutôt dans la gauche révolutionnaire et décoloniale. On peut par exemple citer des militantes comme Gwenola Ricordeau, Françoise Vergès ou des organisations comme Révolution Permanente.
Voilà tout pour l’article ! Il faut aussi se rappeler que peu importe tes positions, plutôt que la sanction, le mieux reste encore la prévention. Et pour faire ça, chez Cali et Gali on te propose une formation vss, alors n’hésite pas à y jeter un œil.